J'avais découvert les éditions Escabelle en dévorant avec émotion le merveilleux M.Wilson de Thomas Scotto et de Peggy Nille. Quand j'ai vu ce petit livre sur les étagères de ma librairie, je n'ai pas hésité très longtemps pour me le procurer espérant tomber une nouvelle fois, sur une jolie pépite. Et comme j'ai bien fait !
C'est samedi, et ce samedi sera un jour que notre héroïne n'oubliera jamais. Ce jour-là, elle suit un rituel qu'elle aime par-dessus tout: elle passe la journée avec son grand-père et ils vont acheter du pain. Le même trajet, les mêmes répliques, les mêmes petits bonbons à partager. Comme un film que nous aimons voir et revoir sans cesse tant il est pour nous rassurant et apaisant. Mais ce jour-là, un grain de sable va s'immiscer dans les rouages si bien huilés de ce doux rendez-vous. Pas le temps de passer la porte de la boulangerie. Le papi tant chéri s'écroule sur le sol froid et la vie le quitte, doucement.
"Ma tête est tombée sur son épaule et mes yeux se sont vidés longtemps sur sa blouse.
C'est là je crois, que j'ai commencé à laisser partir Papi"
Tout autour la foule. A ses côtés, sa petite fille perdue, immobile qui comprend aussitôt ce qui arrive. Le genre d'événement qui fait grandir vite. D'un seul coup.
Les jours passent. Elle apprivoise l'absence et fait lentement son deuil. Les mots exprimés disent sa peine avec pudeur et ses mots d'enfants dressent un fabuleux portrait de grand-père, subtilement teinté d'une poétique nostalgie. Un livre à mettre entre toutes les mains, les petites comme les grandes. Encore une très belle publication cette collection "transmettre", le tout servi par des illustrations très à mon goût (qui mériteraient que le nom de Séverine Cordier apparaisse en couverture et non uniquement sur la quatrième...)
Et puis, je terminerai sur ces mots-là. Parce que dans la table de chevet de "mon papi Gus" c'était une tablette de chocolat qui nous attendait. Et ces carrés là, avaient une saveur jamais vraiment retrouvée.
"Dans la table de chevet de papi, j'ai trouvé sa boîte de bonbons. Des petits bonbons verts. Je les ai cachés sous mon oreiller. Dans mon lit, ce soir, j'en prends un. Je ne croque pas. J'essaie qu'il dure le plus longtemps possible. Puis je redis : Papi. Papi. Pour être sûre que je peux encore le dire. J'essaie le mot, je ne sais pas jusqu'où il peut aller [...] Est-ce qu'un mot qui n'appelle plus personne peut se vider ?"
L'avis de Bouma qui comme moi a été séduite.