Un livre acheté un peu par hasard, parce que les histoires de ruptures m'interpellent toujours. Une histoire vieille comme le monde : un homme et une femme, des années de vie commune, deux enfants : l'Aîné et le Cadet, une relation qui se délite, un sursaut de vie par le biais d'une rencontre, puis l'inéluctable: une séparation. Une séparation lente, comme une agonie pour le héros qui voit la femme qu'il aime par dessus tout prendre ses distances et retrouver le sourire grâce à l'Autre. Et pourtant, l'histoire qui s'offre à elle demeure longtemps platonique car cette femme, agaçante au départ est sincèrement tiraillée, contrainte et forcée de faire LE choix impossible face à ces deux hommes qu'elle dit aimer.
L'attente est longue, interminable et les mots posés sur les tourments du protagoniste laissent entrevoir et ressentir ce poids étouffant qui vient serrer sa poitrine comme une douleur bien trop intense pour être fidèlement traduite par les mots. Dan Franck décortique le mécanisme complexe de la séparation avec toutes les répercutions qu'elle entraîne sur les êtres. Le lecteur ne doit pas tomber dans le constat facile d'un duo composé d'une victime et d'un monstre. Certes, la jeune femme qui déclenche le terrible engrenage finit par être détestable dans ses froideurs et ses hésitations. La plaie béante de l'homme qui souffre aurait tendance à la rendre d'autant plus méprisable. Mais à mes yeux et incontestablement, l'un n'est pas plus coupable que l'autre et ces deux personnages sont beaux pour leurs excès, leurs nuances et les peines qui leur éclatent au visage. L'auteur dépeint au mieux cette rupture comme une vive douleur partagée qui semble être inévitable. Un texte de toute beauté, qui résonne encore en moi, qui dit ce qu'il est parfois difficile de formuler dans une telle situation. Un livre miroir qui frappe et pique pour sa justesse et son réalisme. Une lecture qui laisse évidemment des traces.
Pour vos oreilles : Mon Homme de Zaza Fournier.
La Séparation de Dan Franck
Prix Renaudot 1991