Oscar a dix ans.
Oscar a une leucémie.
Oscar est condamné.
Oui, je vous l'accorde, on a connu plus réjouissant.
C'est à travers le regard d'un enfant que Schmitt nous fait pénétrer dans l'univers hospitalier. Sans sombrer dans l'écueil facile du récit pathétique et larmoyant, il nous offre une vision "presque" joyeuse, sinon émouvante de ce monde de douleur.
Ainsi, Bacon (grand brûlé) Pop-corn (petit garçon obèse), Einstein (hydrocéphale) et Peggy Blue (maladie du sang bleu) accompagnent Crâne d'œuf (Oscar) au quotidien.
Parmi le personnel, nous rencontrons rapidement Mamie Rose. Mamie Rose est, selon ses dires, une catcheuse. C'est surtout une femme un peu vulgaire qui jure sans cesse mais qui a une qualité inestimable : sa grande sincérité. C'est d'elle que vient l'idée un peu saugrenue de persuader Oscar d'entretenir une conversation avec Dieu, conversation qui se voudra épistolaire. Après avoir appris maladroitement qu'il était condamné, Oscar exige une chose: voir cette dame rose chaque jour. Nous sommes le 19 décembre et pendant douze jours, ils pourront se voir. Toutefois, le temps sera étrangement (dé)compté :
"A partir d'aujourd'hui, tu observeras chaque jour
en te disant que ce jour compte pour dix ans."
Oscar accepte aussitôt ce jeu avec le temps. Il promet également à Mamie Rose d'envoyer chaque jour une lettre à Dieu. Les jours passent et Oscar s'amuse à grandir, plus vite que les autres. La dame rose l'invite à se dépasser, à vivre les grands moments que se doivent de vivre les adolescents... Puis l'âge adulte arrive vite. Trop vite.
C'est ma deuxième lecture de ce court titre de Schmitt. Je me souviens l'avoir découvert il y a quelques années et en avoir gardé un souvenir ému. Je relis rarement les livres, (excepté l'Antigone d'Anouilh) et cette relecture fut pour moi profondément bouleversante. Schmitt parvient à dédramatiser un sujet on ne peut plus tabou que la mort d'un enfant et parvient même à nous faire rire. Si l'enfant voit sa vie avancer à un rythme plus cadencé, nous savons tous quelle en sera l'issue . Nous savons que chaque nouvelle lettre envoyée à Dieu l'entraîne un peu plus vite vers la mort. Et quelles lettres ! Brillamment, Schmitt offre à ce petit texte une dimension philosophique claire mais subtile portée par le personnage de la dame rose. Interlocutrice privilégiée, elle parvient, par son statut, à réaliser ce que des parents, trop maladroits et malheureux dans une telle situation ne peuvent faire... Et c'est encore elle qui, tout en douceur, accompagnera le lecteur lors de l'ultime courrier.
Après quelques années sur mon étagère, j'ai pris un immense plaisir à redécouvrir ce texte malgré le nœud au ventre qui nous envahit quand nous approchons de la fin du livre. Au fil des pages, l'émotion nous gagne, des visages apparaissent et Oscar s'efface pour laisser place à un proche, à une absente. Ces lettres l'une après l'autre sont une jolie manière d'apprivoiser la mort qui vient. Celle à laquelle on se "peut" se "préparer", mais sans jamais être finalement prêt.
Théoriquement, ce livre devrait avoir été ouvert, aussitôt fermé, perdu, dévoré, oublié, détesté, apprécié, lu par mes quatrièmes. Avant même les vacances, certains lecteurs sont venus me dire à quel point ils avaient aimé et avaient été touchés par ce petit livre qui "se lit trop vite". Certains d'entre eux ont même avoué à demi-mot avoir eu envie de pleurer, avoir retenu leurs larmes. J'aime quand les livres les font réagir. J'aime qu'ils goûtent à ces sensations de lecteurs qu'ils n'ignorent que trop. Bref, j'attends impatiemment la rentrée pour en parler un peu avec eux car il est indéniable qu'il ne les laissera pas indifférents.
Je n'ai aucune idée de ce que vaut le film (des avis ?) et l'idée d'une dame rose incarnée par M.Laroque ne me réjouit guère mais je laisse la bande-annonce aux plus curieux d'entre vous...