Un dimanche après-midi, un coin de verdure où j'aime "me retrouver". Les derniers rayons de soleil avant l'automne qui arrive... Un livre que je dois lire depuis maintenant quelques semaines. Une phrase parmi d'autres en quatrième de couverture qui me décide à l'acheter...
"Que c'est étrange de quitter quelqu'un que l'on aime pour quelqu'un que l'on aime. On passe par une passerelle qui n'a pas de nom, qui n'est nommée dans aucun poème. Non, nulle part on ne donne un nom à ce pont et c'est pourquoi Anne eut tant de mal à le franchir."
Anne partage sa vie avec Guillaume. Un couple heureux, aimant, épanoui. Rien ne semble perturber ces années de vie commune. Arrive alors Thomas. Elle le croise, l'apprécie mais se soumet très vite à l'évidence : " Mais je l'aime. Oui, c'est cela. Je l'aime." Happée par ce coup de foudre, Anne se laisse porter par ses sentiments, tout en étant convaincue d'une chose: elle aime l'homme qui partage sa vie mais ne peut s'empêcher de penser à Thomas, d'être obsédée par sa présence et son besoin de passer du temps auprès de lui. Là où l'on s'attend à vivre une énième histoire de triangle amoureux, Anne Serre fait des choix narratifs. Ce n'est pas tant le trio qu'elle nous raconte, mais plutôt le bouleversement que cela provoque chez son personnage. "Il l'a beaucoup trop aimée Guillaume. Et peut-être est-ce cela qui l'a perdu."
Monologue intérieur, troubles de l'esprit, doutes et questionnements rythment ces pages. Habituée à la lecture "crayon en main", j'ai rarement relevé autant de passages qui me plaisaient, me touchaient, ou réveillaient bien des sentiments enfouis/présents çà et là... J'ai aimé lire ce livre qui nous renvoie à nos choix et confirme à quel point le sentiment amoureux et la vie de couple doivent fuir les certitudes et s'en méfier. Les mots sont justes, les souffrances bien réelles...
" Après les premiers mois de joie aiguë, elle s'était retrouvée désespérée de ne pas atteindre le corps de l'autre et avait souffert bien autant qu'elle avait désiré, c'est-à-dire à un point extrême. Il semble que la vie ne nous apprenne pas grand chose, puisqu'elle recommençait, mais c'est qu'on oublie la souffrance alors que le souvenir de la félicité reste vivant. "
Un bémol toutefois... Si de passages en passages les citations relevées sont nombreuses, j'ai eu l'impression en refermant le livre d'un manque d'unité. Est-ce lié à ma lecture un peu décousue? Je ne sais pas vraiment. A vrai dire, je crois que je me suis parfois perdue dans les méandres introspectifs d'Anne, non pas par ennui, ni par lassitude, mais j'ai fini par "soupirer" en attendant l'heure fatidique du choix. Celui qui fait tout basculer. Celui qui quelle que soit la direction qu'il prend n'est pas forcément/toujours le bon. L'évidence est pourtant là: elle aime, se retrouve déchirée à l'idée de devoir faire CE choix. Alors effectivement, oui, il est indéniable que l'on peut quitter quelqu'un qu'on aime. Je crois que c'est là une des plus difficiles et déchirantes décisions à prendre. Le personnage d'Anna incarne bien toute la tension qu'implique un tel bouleversement. Dans cette fine analyse du sentiment amoureux, Anne Serre s'attaque à un grand topos romanesque et va un peu plus loin qu'une certaine Madame de La Fayette qui avait elle, fait le choix de donner tant de retenue à sa princesse de Clèves...
Challenge 1% de la rentrée littéraire.
Chez Hérisson
2/7