Je ne connaissais pas l'existence de ce titre de Zweig. Il a suffi de quelques textos avec mon amie Marion du blog Tweenty-three peonies, quelques citations chuchotées pour me rendre à l'évidence : il me fallait lire ce livre. Et vite. Je l'ai aussitôt commandé mais ne l'ai finalement lu que ce mois-ci (il m'attend sur ma PAL depuis Mai je crois.)
" Qu'y a-t-il de plus sûr en ce monde que ta parole ? "
Louis est un jeune homme qui va se mettre au service d'un homme riche et puissant, mais malade. Cette personne n'a en réalité d'autre ambition que de faire de Louis son confident et homme de confiance afin de le former pour qu'il puisse être son successeur. Après bien des hésitations, il finit par s'installer chez lui dans une maison de grand standing, dont l'étalage de richesse le dégoûte d'abord. Son installation repose sur une promesse faite à la femme du mourant : une promesse de franchise. En effet , cette dernière ressent bien que le fait de s'installer auprès d'eux vient quelque peu entraver la liberté de Louis. Elle lui demande alors qu'il se manifeste si quoi que ce soit le met mal à l'aise. Louis est aussitôt charmé par cette femme qui semble lire en lui. Leurs regards se croisent et le désir fait son oeuvre après quelque temps passé dans la vieille demeure. D'abord profondément platonique, la passion va s'imiscer entre les deux êtres, va les piquer juste là où il faut. Les premiers tourments seront de mise. Et viendra le jour où une grande opportunité sera offerte à Louis : partir à l'autre bout du monde pour les affaires. Unique homme de confiance de l'époux fragile, il est le seul à pouvoir assumer cette mission de quelques mois. Les amants vont devoir faire face à la pire épreuve de leur courte passion : se quitter, se séparer à l'aube d'une belle histoire, quand leur amour en est encore aux premiers émois.
" Les dix jours qui les séparaient du départ, ils les passèrent dans un état de continuelle et grisante frénésie. La soudaine explosion des sentiments qu'ils s'étaient avoués, par l'immense puissance de son souffle, avait fait voler en éclats toutes les digues et les barrières, toutes les convenances et les précautions.[...]Ils se contentaient à chaque fois d'attraper au vol des secondes, des secondes vibrantes, clandestines, guettées par le danger; ce n'était que des mains, des lèvres, des regards, d'un baiser avidement dérobé, qu'ils parvenaient furtivement à se rapprocher, et la présence voluptueuse de l'autre, grisé lui-même, les grisait."
Une seconde promesse, un second pacte se noue alors : elle sera là pour lui à son retour, lui promettant un amour intact, un amour inconditionnel. Mais la guerre éclate. Les mois initialement prévus pour ce voyage se changent en de longues années. Neuf ans plus tard, Louis revient. C'est l'heure des retrouvailles tant attendues et la jeune femme est au rendez-vous.
"Temps impuissant, se dit-il, impuissance du temps face à nos sentiments: cela fait neuf ans et pas une inflexion de sa voix n'a changé, pas un nerf de mon corps ne l'écoute différemment. Rien n'est perdu, rien n'est révolu, sa présence est, comme autrefois, tout un ravissement."
"Un souvenir était là auquel il ne voulait pas toucher, qu'il ne voulait pas se rappeler, cette heure du dernier adieu, l'heure sur le quai de la même ville où il l'avait attendue aujourd'hui, le coeur dilaté. Non, au loin tout ceci, au diable tout cela, ne plus y penser, c'était trop affreux."
L'intrigue s'articule autour de ces retrouvailles. Zweig soulève ici la question des sentiments qui s'estompent, perdurent pleinement ou s'évanouissent avec le temps, la distance, l'absence. Le temps et la passion ne font d'eux que des fantômes, perdus dans une profonde nostalgie. Nostalgie des premiers émois, des douces heures passées l'un auprès de l'autre, instants parfois difficiles à retrouver...
"Dans le vieux parc solitaire et glacé / Deux spectres cherchent le passé" Verlaine
Marion m'avait prévenue... Comment ne pas aimer ce livre ? Encore une fois, je suis charmée par le talent de Zweig et la sensibilité de sa plume. Le thème me parle et la tentation de l'identification est bien présente au fil des pages, entre les lignes. Je suis assez contente d'avoir attendu quelques mois avant de découvrir ce texte qui est à mes yeux encore plus envoûtant que Lettre d'une inconnue . J'ai aimé retrouver le Zweig qui excelle dans la peinture des tourments de l'esprit amoureux et qui se plaît à donner une grande profondeur "psychologique" à ses personnages, qui, un peu trop souvent, se perdent dans leurs obsessions. Je compte bien évidemment poursuivre ma découverte de son Oeuvre puisque bien des titres m'attendent encore sur ma PAL.
Au passage, vous remarquerez qu'un onglet Voyage au bout de ma PAL apparaît au-dessus des articles et dans la rubrique "Ma Bibliothèque". J'ai commencé à lister les livres que je dois lire (et nombreux sont ceux qui s'entassent...). Si une lecture commune vous fait envie, vous savez comment me joindre !