Non, ne soyez pas surpris, j'ai juste "un peu de retard" sur mon défi lecture... Il va me falloir redoubler d'efficacité ce mois-ci ! Mais en même temps je ne vais pas me mettre une pression folle et avancer à mon rythme, n'étant pas partisane d'une boulimie livresque nous laissant finalement peu de souvenirs de lectures...
La tragique Conquête de Plassans.
Les livres de Zola étaient à l'Index (liste de livres condamnés par l'Eglise). Ainsi, un livre comme La Conquête de Plassans dont le héros n'est autre qu'un abbé tout auréolé de mystère, n'en trouve que plus d'envergure...
Le rideau se lève. Pas de grandes scènes parisiennes cette fois-ci puisque Zola revient vers ses premières amours. Plassans, cœur du livre genèse des Rougon-Macquart va devenir le théâtre de bien des maux.
Côté jardin, les Rastoil , côté Cour les Pequeur des Saulaies . La maison et le jardin des Mouret feront office de scène. Au fond du jardin, une petite serre. (Clin d’œil entendu à la magnifique Curée ?) Le décor est fixé. Scène d’exposition : les acteurs sont en place. Une maison pleine de vie : une mère aimante, Marthe, ses enfants dont Désirée, la petite dernière qui joue tranquillement à la poupée. Un autre acteur rejoint les comédiens : voilà Monsieur Mouret qui fait son apparition. Ordre et rigueur, il dirige sa famille avec une poigne de fer et son autorité semble résister à toute épreuve. Mais comme un jeune premier à qui l’on ravirait déjà le premier rôle voilà qu’entre Faujas, annoncé par « un bruit dans le corridor ». Les trois coups ont été frappés. Les choses sérieuses peuvent commencer.
Faujas, l’homme d’Eglise dont tout le monde parle, l’homme qu’il faut connaître, introduire dans les salons, l’homme à fréquenter, l’homme à critiquer, l’homme dont il faut se méfier, l’homme à plaindre, à craindre, à admirer. Ses facettes sont multiples et il semble parfait pour endosser tous ces rôles, au fil des jours. Faujas, une survivance de Tartuffe, un imposteur discret mais omniprésent. Sombre et machiavélique en coulisse, simple et humble sous la lumière des projecteurs.
Mouret se perdra en voulant lutter contre ce talentueux Faujas. Du drame à la farce il n’y a d'ailleurs qu’un pas. Alors que Faujas brille dans ses rôles dramatiques et sérieux, Mouret n’est que le pantin de tristes et vulgaires farces. Il en viendra à errer dans Plassans sous les railleries des habitants, tel un acteur hué par son public. Cette déchéance sera courronnée par une nouvelle invitée dans ce théâtre social : La Folie. D’ailleurs Zola est toujours là pour nous le rappeler lorsqu’il fait affirme que « La tête n’est pas plus solide chez les Rougon que chez les Macquart » et certains personnages ne sont pas sans nous dire que le spectre de Tante Dide plane au dessus de Plassans et que la folie qui la caractérise tant va bientôt s’exprimer pleinement à travers sa descendance. Je trouve d'ailleurs ce passage merveilleux et ne peut faire autrement que de le partager ici avec vous: " Mais les fous lucides n'ont pas tous cette innoncence. Il en est qui torturent leur famille par quelque vice caché, passé à l'état de manie: des misérables qui boivent, qui se livrent à des débauches secrètes, qui volent par besoin de voler, qui agonisent d'orgueil, de jalousie, d'ambition. Et ils ont l'hypocrisie de leur folie, à ce point qu'ils parviennent à se surveiller, à mener jusqu'au bout les projets les plus compliqués, à répondre raisonnablement, sans que personne puisse se douter de leurs lésions cérébrales; puis dès qu'ils rentrent dans l'intimité, dès qu'ils sont seuls avec leurs victimes, ils s'abandonnent à leurs conceptions délirantes, ils se changent en bourreaux... S'ils n'assassinent pas, ils tuent en détails."
Passées toutes les intrigues politiques et les luttes de pouvoir hypocrites, le dénouement tragique peut enfin se jouer... Le terrible masque de Faujas tombe. (Ce que l'Evèque Rousselot avait d'ailleurs anticipé.) Toute la lenteur de l'oeuvre, qui je vous l'accorde peut lasser et nous égarer, n'a d'autre but que de servir une fin incroyable où la folie atteint son paroxysme. Un feu d'artifice spectaculaire. Marthe, telle une grande tragédienne prononcera d'ailleurs un magnifique monologue avant de rendre l'âme et Mouret savourera sa vengeance, quel que soit le prix à payer. Quant à la "bonne société" de Plassans, elle assistera en bon public à cette chute magistrale, à peine surprise de la tournure des événements.
Quant à Zola, en bon romancier, et sans négliger toute la dramaturgie du roman, il choisira de refermer le rideau sur un homme en soutane (Figure du double de Faujas ? Survivance de l'abbé maléfique victorieux ?) , Serge, le fils des Mouret, pour préparer le lecteur à pénétrer dans l'oeuvre suivante, où le jeune abbé jouera alors à son tour, le premier rôle.
Et vous, où en êtes vous dans votre défi Zola ?