Voilà un titre qui fait beaucoup parler de lui sur la blogosphère... Il fallait donc impérativement que je me fasse un avis d'autant que la couverture choisie pour ce titre était une belle invitation à la lecture...
Mia partage sa vie avec Boris depuis plus de trente ans déjà. Boris aime Mia, mais aime également cette collègue française de laboratoire où il travaille. Boris papillonne, alors Mia, à la fois blessée et en colère prend la décision de s’éloigner de cet homme qu’elle aime follement mais dont elle ne supporte pas la liaison avec cette femme bien plus jeune qu’elle.
« Quelque temps après qu’il eut prononcé le mot pause, je devins folle et atterris à l’hôpital. Il n’avait pas dit : je ne veux plus jamais te revoir, ni : c’est fini, mais après trente années de mariage, pause suffit à faire de moi une folle furieuse dont les pensées explosaient, ricochaient et s’entrechoquaient comme des grains de popcorn dans un four à micro-ondes. […] La pause était française, elle avait des cheveux châtains plats mais brillants, des seins éloquents qui étaient authentiques, d’étroites lunettes rectangulaires et une belle intelligence. Elle était jeune bien entendu, de vingt ans plus jeune que moi, et j’ai dans l’idée que Boris avait convoité quelque temps sa collègue avant de donner l’assaut à ses régions éloquentes. »
Mia se retrouve donc en partance pour le village où vit sa mère. Elle projette de diriger un atelier d’écriture poétique auprès de quelques adolescentes et se retrouve entourée des amies de sa mère, au milieu des problèmes d’arthrose, de perte de mémoire et de cette nostalgie propre aux personnes âgées. C’est donc comme le titre du livre l’indique un été « sans les hommes » qui se profile. Sans Boris, qui s’intéresse à « l’anatomie française », sans les maris de nos octogénaires, veuves depuis bien longtemps.
Toute la narration est prise en charge par Mia, qui fait de ce livre une sorte de tremplin dans le passé. Notre héroïne mènera alors tout un travail d’introspection qui la conduira à revenir sur différents moments de sa vie. Elle utilisera l’écriture comme vecteur premier de ses souvenirs, revenant tour à tour sur les hommes qu’elle a aimés, désirés. Elle tiendra ce petit carnet d’expériences sexuelles, s’adonnera à l’écriture poétique qu’elle chérit tant, trouvera un nouveau souffle auprès de ces jeunes femmes en devenir qu’elle essaiera, d’une manière ou d’une autre, de faire jouer avec les mots.
Mais cet été sans présence masculine est à mes yeux une fausse annonce. Boris n’est pas là certes, mais il est omniprésent dans les pensées de cette femme trompée. Est-il auprès d’elle à l’heure actuelle ? Comment peut-il laisser derrière lui une histoire comme la leur ? Des questions légitimes qui conduiront Mia à revenir sur des moments douloureux de leur histoire. Suicide, trahisons, souffrances. A ces questionnements plus personnels s’ajouteront des interrogations d’ordre intellectuel. Nombreuses seront les références littéraires auxquelles Mia fera allusion. Jane Austen occupera une place de choix dans le cœur de Mia et des vieilles voisines qui se réunissent dans leur club de lecture. Et puis il aura ces mails étranges qu’elle ne cesse de recevoir, qu’elle ignore d’abord, avant d’entretenir une correspondance philosophique avec son "corbeau".
J’étais vraiment impatiente de lire ce livre qui m’attendait depuis longtemps. Les premiers instants de lecture furent pour moi une déception. J’attendais quelque chose, sans vraiment savoir de quoi il s’agissait et rien ne se passait. Mia apparaît comme une femme très forte, d’une grande intelligence et cette héroïne, dans ses blessures et ses questionnements me touchait. Mais rien. Jusqu’à ce passage :
« Bientôt, dites-vous, nous allons atteindre un col ou un carrefour. Il y aura de l’ACTION. Il y aura davantage que la personnification d’un pénis vieillissant. […] Je vous promets que tel est le cas. Quelque chose mijote, oh oui il y a un frichti de sorcières qui mijote. […] Mais avant d’en arriver là, je veux vous dire, Gentil Lecteur, que si vous êtes ici avec moi maintenant sur cette page, je veux dire : si vous avez atteint ce paragraphe, si vous n’avez pas renoncé [ce que j’étais en train de faire], ne m’avez pas envoyée, moi Mia, valdinguer à l’autre bout de la pièce, […] je voudrais tendre mes bras vers vous et vous couvrir de baisers. […] Je voulais juste que vous le sachiez. »
Et en effet, peu après, sans véritable explication, l’histoire prend plus d’ampleur. Mia sort un peu de ses périodes réflexives pour mieux s’investir et s’ouvrir aux autres. A ses élèves d’abord. A une de ses voisines ensuite. De belles amitiés naissent, de beaux instants sont partagés. J’ai tellement aimé cet après-midi durant lequel la vieille Abigaël lui parle de son secret, de ses « Amusements ». Et enfin, j’ai vraiment été touchée par cette manière si belle de décrire ces personnes vieillissantes. Sans sombrer dans le cliché, sans céder au pathétique. Les portraits de ces vieilles femmes, ces « cygnes » sont souvent de toute beauté. J’ai souvent pensé à la chanson de Brel « Les Vieux » en lisant ce livre.
« La femme que nous avions connu avait disparu. Elle ne savait plus où elle se trouvait ni qui elle était. Le réveil matin s’était arrêté. Les gens très âgés se languissent et meurent. Cela, nous le savons, mais les gens très âgés le savent bien mieux que nous. Ils vivent dans un monde de perte continuelle. »
Et toutes ces petites histoires, de l’anecdote émouvante aux récits de vie de ces veuves viennent finalement nous détacher de LA question des hommes, et particulièrement de celle de l’absence de Boris. Car c’est une véritable renaissance qui est offerte à Mia à la fin de cet « été sans les hommes ». Bien évidemment, le choix qu’elle fera à la fin de l’histoire peut-être « discutable ». Mais il n’enlèvera rien au charme de cette jolie parenthèse estivale...