Découvert cet été avec l'excellent Villa Amalia, Quignard a su me donner envie d'aller creuser un peu du côté de ses autres ouvrages. J'ai acheté Les Solidarités mystérieuses il y a peu mais j'ai préféré commencer par Tous les matins du monde plus rapide à lire et plus en phase avec mes journées et soirées assez chargées.
Nous sommes au XVIIe siècle dans une famille aisée où vivent amoureusement les époux Sainte-Colombe. Le mari est un musicien hors pair. Il joue de la viole avec un talent rare et un amour de la musique incommensurable. Hélas, dès le début du roman cet homme perdra sa femme et choisira de s'enfermer dans son petit cabinet au fond de son grand jardin afin de faire de la musique un refuge. Ayant deux jeunes filles à charge, il leur apprendra l'art de jouer de la viole et les concerts des Sainte-Colombe feront parler d'eux... Un jour, un jeune homme arriviste, Martin Marais, futur musicien à la cour du roi, pénètre dans l'univers de l'artiste et souhaite ardemment apprendre auprès du grand maître. C'est en séduisant sa fille aînée qu'il parviendra à se rapprocher de Sainte-Colombe qui ne le ménagera absolument pas.
De tous les rapports qui se créent entre les personnages, s'il y en a bien un qui a su me séduire par dessus tout, c'est cette relation entre le veuf et "le fantôme" de sa femme. En effet, s'il prend tellement de plaisir à se retrouver au fond de son jardin, c'est parce qu'au fil des notes qu'il joue sur sa viole, il aperçoit sa femme auprès de lui. Conscient de sa folie, il fait pourtant le choix de se laisser porter par ce fantasme musical, lui jouant chaque jour son amour. J'ai aimé lire ce livre sans pour autant être emportée et totalement convaincue par le texte de Quignard. Certains passages étaient d'une poésie et d'une douceur incroyable. J'ai évidemment été sensible à cette belle déclaration d'amour à la musique incarnée par le héros. Toutefois, je lui ai trouvé parfois certaines longueurs décevantes pour un si petit livre. Longueurs qui pourtant sont nécessaires à mon sens pour accompagner la lente agonie qui étouffe les personnages...
"Cette visite ne fut pas seule. Monsieur de Sainte Colombe, après avoir craint qu'il pût être fou, considéra que si c'était folie, elle lui donnait bonheur, si c'était vérité, c'était un miracle."
Enfin, je n'ai pu m'empêcher de regarder l'adaptation cinématographique pour compléter ma lecture de l'oeuvre. Très lent, sans grand dialogue, l'oeuvre d'Alain Corneau accorde une place privilégiée aux silences, aux rythmes et à la musique. Certains airs sont merveilleux et donnent une dimension incroyable au film qui est pourtant déroutant par son manque évident de dynamisme et par la lente narration de Corneau.
"Il se prit de nouveau à pleurer doucement. Ils allèrent jusqu'à la barque. L'ombre de Madame de Sainte Colombe monta dans la barque blanche tandis qu'il en retenait le bord et la maintenait près de la rive. Elle avait retroussé sa robe pour poser le pied sur le plancher humide de la barque. Il se redressa. Les larmes glissaient sur ses joues. Il murmura: je ne sais comment dire : douze ans ont passé mais les draps de notre lit ne sont pas encore froids."
En tout cas, grâce à cette chronique, je participe au challenge musical d'Anne, au challenge ABC de Babelio en l'inaugurant avec la lettre Q et enfin j'anticipe un peu sur ma participation au challenge de Calypso : Un mot, des titres où le mot MONDE est à l'honneur. Si le temps me permet d'en lire un autre pour le jour fixé, je le ferai avec plaisir.